Gestion de sinistres : comment sécuriser la relation client

Un cahier des charges précis, des évaluations, des échanges réguliers... Les assureurs ont mis au point des stratégies pour s'assurer du bon déroulement de la prestation d'un expert lorsque celui-ci s'intercale dans la relation client au moment d'un sinistre.

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Gestion de sinistres : comment sécuriser la relation client
L'expert doit rassurer l'assuré, fragilisé par un sinistre, et faire preuve de pédagogie lors d'un désaccord.

À Bordeaux, Orianne ne mâche pas ses mots… Confrontée à un dégât des eaux dans lequel elle est empêtrée depuis un an et demi, elle dénonce des failles sur toute la chaîne. « Mon assureur a mis un mois à me dire que ce n'était pas l'assurance habitation qui allait jouer, mais la dommages-ouvrage du promoteur, puisque mon appartement était neuf. Un premier expert a évalué le sinistre à 800 €. J'ai contesté. L'expert de mon assurance s'est lui-même trompé dans le taux de TVA à appliquer, mais a réévalué l'indemnisation à 14 000 €. J'ai réalisé des travaux avant un second dégât des eaux. Une expertise par visio m'a été proposée, que j'ai refusée. La cause n'a toujours pas été trouvée ! Désormais, mon dossier est entre les mains d'un avocat. En attendant, ma petite vengeance personnelle a été de changer d'assureur pour mon véhicule. » Les points de friction possibles dans le cadre d'une gestion de sinistre, Orianne les collectionne : « Manque d'empathie et de communication, erreur dans le chiffrage, délais très longs », liste-t-elle. Il en faut toutefois parfois beaucoup moins pour qu'un assuré décide de changer de compagnie. « Depuis la loi Hamon de 2015, ils sont de plus en plus volatils », reconnaît Caroline Brun, directrice clients de Sedgwick France. « Dans le monde d'aujourd'hui, si nous ne garantissons pas une expérience client optimale, nous les perdons, et c'est insupportable de perdre un client à cause d'une prestation mal effectuée en interne ou par l'intermédiaire d'un expert. C'est même encore plus insupportable de perdre un client à cause d'un expert qui n 'arrive pas à l'heure », assure Stéphane Bezard, responsable du département indemnisation chez Thélem assurances.

Bien gérer un sinistre

« La survenue d'un sinistre, c'est le moment de vérité », rappelle Yann Bocquillon, directeur général & développement pour Ixi Groupe. Or, selon la Fédération des sociétés d'expertise (FSE), dans 40 à 45% des sinistres déclarés hors automobile, l'assureur n'intervient pas lui-même, mais mandate un expert qui va s'intercaler entre l'assuré et la compagnie. « Le missionnement d'un expert est une rupture dans le processus pour le client. Nous le sortons de notre écosystème pour le confier à un prestataire que nous ne manageons pas, mais que nous pilotons. En revanche, pour le client, si un expert n 'est pas bon, c'est Thélem qui n'est pas bon. L'assureur reste porteur et garant de l'expérience du client », insiste Stéphane Bezard.

Un pilotage quantitatif et qualitatif

Pour s'assurer du bon déroulé de la prestation d'expertise, les assureurs fixent donc des règles. Ainsi, quand Thélem mandate un expert, ce dernier dispose de 48 heures pour prendre contact avec l'assuré et qualifier la mission. Covéa a également défini des règles dans le cadre d'un cahier des charges détaillé. De son côté, la Mutuelle de Poitiers Assurances a récemment signé une convention avec chacune des sociétés d'expertise avec lesquelles elle travaille, de manière à écrire les engagements communs et à formaliser les mesures correctives en cas d'insatisfaction vis-à-vis d'un partenaire. Plusieurs éléments ont ainsi été posés. Ils concernent notamment la préqualification de l'expertise, le respect des délais, le chiffrage de l'indemnité en application des dispositions contractuelles. « Nous avons désormais une base qui me permet de mieux animer notre réseau d'experts en mettant en place des indicateurs et des échanges réguliers et constructifs », explique Patrick de Reviers, responsable du pôle performance sinistres à la Mutuelle de Poitiers Assurances.

Les assureurs sont globalement « challengés » sur la maîtrise des coûts, les délais de gestion, les délais de réponse de rapport, les délais de traitement des dossiers, les délais de traitement de l'insatisfaction et la satisfaction des assurés. « Ce dernier critère représente, selon les compagnies, entre 25 et 40 % des indicateurs de performance », précise Caroline Brun. La suite est affaire de pilotage statistique et qualitatif, de monitoring, d'évaluation et d'échanges mensuels ou trimestriels. « Nous vérifions que les exigences du départ sont bien respectées », explique Stéphane Bezard, qui précise qu'à Thélem, la présence de l'agent général aux côtés de l'assuré à l'occasion de la visite de terrain de l'expert est une source importante de confiance. Quant à l'évaluation, elle prend la forme d'un questionnaire envoyé au client à la clôture du dossier mais aussi, parfois, dès la fin de l'expertise, avec des questions qui portent sur la perception et la recommandation de l'assuré vis-à-vis de l'expert, la qualité de communication de celui-ci ou encore sa ponctualité. « Si un expert obtient moins de quatre étoiles sur cinq, il lui est demandé de reprendre contact avec le client et dans un cas sur deux, ils repartent avec cinq étoiles », témoigne Bruno Lacoste Badie, directeur expertise et indemnisation chez Covéa. Parallèlement à ce questionnaire adressé au client, Thélem a mis en place un questionnaire à destination des agents généraux. « Nous nous sommes rendu compte que les clients étaient davantage satisfaits que les agents sur la prestation des experts. Nous avons creusé le sujet et découvert que les agents corrigeaient des dysfonctionnements au quotidien. Dorénavant, nous les interrogeons donc tous les mois sur leur perception de la qualité du travail de nos experts. C'est un très bon outil de pilotage des réseaux d'experts, qui ont aujourd'hui compris qu'ils avaient deux clients à satisfaire, l'assuré et l'agent général. »

Donnant-donnant

Thélem a également intégré dans ses contrats des clauses bonus/malus. « Si un expert sous-performe, il nous fait un chèque. Inversement s'il surperforme, c'est à nous d'établir un chèque. Nous sommes dans le cadre d'un partenariat où chacun doit y trouver son compte », explique Stéphane Bezard. Dans le cas où les objectifs ne seraient pas atteints, des plans d'actions correctrices sont mis en place par les assureurs qui, le cas échéant, peuvent se séparer d'un expert. « Nous sommes exigeants sur les résultats, mais transparents sur la manière d'y arriver », précise toutefois Bruno Lacoste Badie. D'où le choix pour Covéa de favoriser l'échange dans le cadre des amicales d'experts auto, IARD et d'avocats que le groupe a constituées. Objectif: anticiper des problématiques communes. Le groupe mutualiste, qui dispose de son propre centre de formation automobile (Cesvi), demande également aux experts automobile devenir se former aux meilleures techniques de réparation. « Plus ils sont bons techniquement, moins il y a d'allers-retours. Les coûts sont mieux maîtrisés, les cotisations vont moins augmenter et les délais sont améliorés », insiste Bruno Lacoste Badie.

Quand la posture prime

La technique ne fait toutefois pas tout. « Elle ne représente qu'un tiers de la satisfaction de l'assuré », soutient Yann Bocquillon qui a ainsi fait le pari d'un peu moins de process pour plus d'interactions humaines. « Alors que nous avons été très challengés sur les process, les assureurs s'intéressent aujourd'hui à la bonne compréhension des besoins du client », ajoute Caroline Brun. Des sociétés d'expertise dispensent donc des formations aux experts ayant un profil technique pour les faire évoluer sur les sujets de posture, d'écoute, de communication. C'est le cas, par exemple, de Sedgwick ou de Saretec. « Les attentes des assurés ont évolué aux cours de ces cinq dernières années. Aujourd'hui, ce qui crée la satisfaction, c'est l'immédiateté et la personnalisation. Convaincus de ces éléments, nous avons donc déployé, fin 2022, l'expertise personnalisée. Ainsi, alors qu'avant, nous posions des questions techniques pour qualifier un sinistre lors d'un premier appel, aujourd'hui, nous demandons aux assurés comment cette situation perturbe leur quotidien et ce qu'ils attendent de l'expertise. À ce stade, le client connaît mieux son sinistre que nous et a déjà une idée claire de ses besoins. Ces changements nous ont permis d'améliorer le délai de traitement », témoigne Jean-Vincent Raymondis, président-directeur général du groupe Saretec.

Reste que tout n'est pas maîtrisable dans un contexte où la sinistralité climatique multiplie le nombre de dossiers à traiter par à-coups. « Dans le même temps, les experts ne se multiplient pas comme des petits pains », relève Stéphane Bezard, qui ajoute à cela une sinistralité sécheresse qui va nécessiter des compétences particulières. « L'an dernier, avec les sinistres grêle, c'est toute la chaîne qui a été grippée et tous les sinistres, y compris hors-grêle, en ont pâti. L'été dernier, les experts étaient au bout du rouleau. Or c'est une profession dont nous avons besoin. Leur prestation est essentielle », insiste-t-il.

Yann Bocquillon (Ixi Groupe) : « Un expert est un ambassadeur et un pédagogue »

Les assureurs utilisent plusieurs expressions pour définir les experts. Certaines parlent de nous entant que « solutionneurs » dans le sens où notre mission consiste à faire émerger une solution pour « réparer » le client à l'issue d'une expertise. D'autres nous qualifient d'ambassadeurs de la compagnie, malgré notre indépendance. Nous sommes effectivement là pour présenter le service de la compagnie à un moment où l'assuré consomme la prestation pour laquelle il a souscrit un contrat d'assurance. L'expert a aussi un rôle de régulateur au sens économique, puisqu'il doit trouver le juste prix de la réparation et éventuellement déceler une tentative de fraude. Enfin, l'expert joue le rôle d'un pédagogue pour expliquer et donner de la visibilité à l'assuré. C'est un sujet qui nous relie directement à la satisfaction client, et sur lequel nous sommes attendus.

 

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