En plus de 25 ans, nous avons assisté à une transformation des activités économiques sous l’effet de facteurs multiples : changements de législation, avancées technologiques, changements dans les habitudes de consommation et complexités croissantes engendrées par une approche mondialisée des chaînes d’approvisionnement. Au cours de ces deux dernières années, de nombreux cas de rappels de produits ont été enregistrés, dans tous les domaines d’activités ; certains incidents qui se sont produits en 2020 sont toujours en cours aujourd’hui. Ces complexités rendent difficiles la gestion de ces sujets par des équipes internes sans un appui extérieur. Elles nécessitent aussi de se préparer pour mieux aborder un incident lorsqu’il survient.
Des aléas géopolitiques et un climat mouvant
De manière générale, la crise COVID laisse encore des traces, tandis que les guerres ont un impact massif sur la supply chain, notamment les produits alimentaires et les semi-conducteurs. Les exigences liées à la gouvernance environnementale et sociale prennent une place de plus en plus importante, et nécessitent pour les entreprises de s’y confronter et de s’adapter. En Europe, les effets du Brexit sont également palpables.
Plus spécifiquement en matière de rappel et de retrait de produits, les progrès dans la recherche de pathogènes, des avancées technologiques, une règlementation plus stricte, et l’amplification par les réseaux sociaux sont des facteurs qu’il faut prendre en compte.
Rappel du cadre légal et réglementaire applicable
Au sein de l’Union Européenne, la Directive relative à la Sécurité Générale des Produits (DGSP), s’applique depuis 2001. Elle a pour objectif de garantir la sécurité des produits pour les consommateurs ; les produits utilisés dans des conditions raisonnablement prévisibles ne doivent pas comporter de risques pour la santé et la sécurité. Sont exclues de ce cadre les fournitures à des professionnels par des professionnels.
Un portail européen commun, le « Product Safety Business Alert Gateway » a été mis en place à des fins de notification des risques pour la santé ou la sécurité des personnes identifiés par les acteurs de la chaîne de production ou de commercialisation sur les produits mis sur le marché européen permettant ainsi une coordination des autorités de surveillance nationales, telles que la DGCCRF en France. Tout acteur, producteur, distributeur ou importateur doit en effet informer immédiatement les autorités compétentes dès qu’un produit est considéré comme dangereux. L’autorité de surveillance du pays de l’opérateur concerné est saisie du dossier.
A noter qu’il existe des cas particuliers avec des autorités de surveillance compétentes spécifiques pour certains produits, comme la Direction générale de l’alimentation pour les produits d’origine animale, ou l’ANSM en matière de produits de santé. Certaines directives sectorielles sont également susceptibles de s’appliquer à la sécurité de certains produits spécifiques tels que les jouets, la construction, les cosmétiques, la pharma, certains produits électriques à basse tension etc.
Il est parfois difficile pour les opérateurs économiques d’identifier s’ils ont ou non une obligation de notification aux autorités du risque identifié.
Les problèmes liés à la qualité fonctionnelle du produit et non à sa sécurité n’ont pas à être notifiés. L’identification d’un risque faible qui peut être maîtrisé par des mesures correctives immédiates sur des lots déterminés retirés du marché n’a également pas à être à être notifié aux autorités.
A l’inverse, un produit dangereux présent sur le marché dont les risques sont tels que des mesures préventives et correctives doivent être mises en œuvre doit faire l’objet d’une notification immédiate.
Enfin, l’identification d’un risque grave pour la santé et la sécurité des personnes fera l’objet d’une notification immédiate spécifique, dénommée RAPEX. Cette dernière qualification est très impactante, car elle va entraîner des mesures correctives strictes. De manière classique, ces dernières comportent le rappel volontaire ou forcé des produits ou leur retrait, l’interdiction de les vendre. Elles peuvent aussi se décliner sous la forme d’obligation de réparer ou de modifier les produits, de leur apposer un étiquetage spécifique ou de les détruire
En tout état de cause, la prudence impose de se faire assister d’un avocat local pour s’assurer des obligations légales et réglementaires qui s’appliquent dans chaque Etat concerné par les notifications et mesures correctives diligentées. Chaque Etat étant susceptibles d’imposer des obligations supplémentaires à la charge des opérateurs économiques en matière de sécurité des produits.
Se préparer à des situations de rappel ou de retrait de produits
Ce sujet complexe nécessite d’anticiper, car il implique de nombreux intervenants. Les rappels ou retraits de produits sont régis par une réglementation qui ne laisse pas de place à l’improvisation. Il faut d’abord comprendre quelles sont ses obligations selon le cas de figure rencontré, pour pouvoir y faire face. Or le temps médiatique peut prendre le pas, exposant l’entreprise à un risque réputationnel majeur.
C’est pourquoi des politiques internes de sécurité des produits et des plans de prévention sont nécessaires ; ils ne permettront pas de régler l’incident en totalité, mais en faciliteront la bonne prise en charge. Disposer d’une cellule de crise constituée permet de réagir rapidement. Elle doit être composée de la direction générale, de la direction de la qualité, de la direction de la conformité, de la direction financière et de la Direction de la communication et des relations avec la presse. Constituer une base de contacts régulièrement mise à jour avec les coordonnées des autorités de surveillance, les clients-clés ou distributeurs-clés et un avocat spécialisé est une précaution utile.
La méthodologie à suivre pour un rappel efficace
Coopérer avec les autorités de surveillance des marchés, et s’appuyer si nécessaire sur des conseils extérieurs spécialisés, sont des facteurs clés pour gérer efficacement un rappel ou un retrait de produits
Bien choisir les mesures correctives à mettre en place repose sur l’analyse de risque. La Commission européenne met à disposition des professionnels un outil d’évaluation appelé Risk Assessment Guidelines en trois phases et huit étapes pour déterminer à la fois la probabilité d’apparition et la gravité d’un effet néfaste pour la santé ou la sécurité.
Les risques sont ainsi classés en quatre niveaux : faible, moyen, élevé et grave. Chaque niveau de risque identifié impose la mise en place de mesures correctives appropriées pour limiter les conséquences sur la santé et la sécurité des consommateurs. Pour cette raison, le risque grave donne impérativement lieu à un retrait du marché auprès des clients professionnels et à un rappel de produits auprès des consommateurs (cas RAPEX évoqué ci-dessus).
D’un point de vue opérationnel, identifier rapidement les volumes et les moyens de retirer les produits, tout comme stopper la livraison de nouveaux produits, est indispensable pour préparer les prises de décision. Identifier les dommages pour les distributeurs, les consommateurs et les autres clients sera nécessaire pour établir des listes de contacts et leur adresser des messages ciblés. Le nombre de pays impactés et de langues parlées, de même que la période concernée (Noël, Pâques…) peuvent être des facteurs de complexité supplémentaires.
Il faut ensuite évaluer si la réparation sur place est possible ou s’il faut mettre en place une logistique de rappel, prévoir le stockage des produits rappelés, leur remboursement, leur recyclage éventuel ou leur destruction. L’incident devra être suivi dans le temps, pour monitorer le pourcentage d’avancement des opérations, avec un reporting financier des coûts associés. N’oubliez pas de notifier la fin de l’incident auprès des autorités de surveillance. Pour ces opérations, qui ne font pas partie des missions des équipes internes, il est possible de recourir à une équipe de conseil spécialisée, surtout si la nature de l’incident suggère que son traitement sera long et/ou complexe.
Enjeux juridiques liés aux procédures de retrait ou de rappel de produits à risques
La simple inobservation, en connaissance de cause, d’une réglementation particulière peut avoir des conséquences pénales pour les opérateurs économiques. Ne pas informer les autorités compétentes, ne pas utiliser la plateforme pour déclarer l’incident, expose à des amendes (possiblement autant de fois que le produit est vendu), mais aussi à des sanctions administratives pouvant aller jusqu’à la fermeture d’un établissement ou l’interdiction de commercialiser.
Les situations de retrait ou de rappel de produits à risques sont également source de contentieux entre le fabriquant et le distributeur ou encore au sein de l’ensemble de la chaîne de commercialisation. Exposer les consommateurs à des risques pour la santé et la sécurité peut également donner lieu à des litiges de masse, actions de groupe ou actions collectives, qui comportent un risque d’atteinte à la réputation et à l’image.
Quelle est la place de l’assurance sur les problématiques de rappel/retrait de produits à risques ?
Les capacités d’assurance sont limitées, avec des niveaux élevés de franchises, et les exemples récents de gestion de crise désastreuses n’améliorent pas la situation. De nouvelles exclusions et limitations de garanties s’observent cette année, alors que les obligations réglementaires pesant sur les entreprises augmentent. Le risque pèse directement sur les fonds propres des entreprises, ce qui leur fait craindre le pire en cas de répétition d’un évènement majeur. Se préparer n’évitera pas le choc et les difficultés opérationnelles, mais contribuera à apporter une réponse plus rapide, préservant ainsi la confiance des consommateurs et des partenaires commerciaux. Préserver son image de marque est un atout important pour la pérennité de toute entreprise.